... 19 rue Chapon, jusqu'au 11 mai 2013...
A ne pasmanquer...!
Ce pourrait être un bal masqué. Un de ces bals où l’on se croise sans savoir qui l’on est. Où l’on se court après jusqu’à se perdre dans les dédales d’un labyrinthe. Où l’on se parle persuadé d’avoir déniché sous le masque l’âme sœur. Ce pourrait être un jour d’orage. Un jour au noir. Un noir d’encre, dense et profond, comme Hugo sait si bien l’employer à faire naître tout un monde enfoui, secret, inquiétant. Ce pourrait être l’un de ces cabinets dont Des Esseintes recouvrait les tentures cramoisies des estampes de Jan Luyken, « artiste fantasque et lugubre, véhément et farouche » dont Huysmans décrit avec grande précision dans À rebours la série de ses Persécutions religieuses : « …des planches où hurlait le spectacle des souffrances humaines, des corps rissolés sur des brasiers, des crânes décalottés avec des sabres, trépanés avec des clous, entaillés avec des scies, des intestins dévidés du ventre et enroulés sur des bobines, des ongles lentement arrachés avec des tenailles, des prunelles crevées, des paupières retournées avec des pointes, des membres disloqués, cassés avec soin, des os mis à nu, longuement raclés avec des lames… »
Viens, la mort, on va danser. « La danse de mort », August Strindberg en a fait en 1900 le prétexte d’une puissante pièce de théâtre, entre naturalisme et symbolisme, offrant à son héros une véritable expérience mystique. Une danse au bord de l’abîme, l’invitant à fouiller les entrailles de son univers intérieur pour lui permettre d’atteindre la révélation de l’immortalité de l’âme. La mort danse. La mort rôde. La mort nous hante. Elle nous fascine autant qu’elle nous effraie. Tout le monde en a peur mais tout le monde veut danser avec elle. Dürer la grave de la pointe de son burin pour la faire chevaucher en cavalier altier. Füssli la figure sous les traits démoniaques et cauchemardesques d’un incube. Goya lui prête les traits de vieilles sorcières. Bresdin en réalise une gravure au thème d’une époustouflante « Comédie ». Redon, son élève, en dédie une image lithographiée à Flaubert. Ensor la masque sous toutes les coutures pour en faire l’égérie d’improbables carnavals. Et la mort n’a pas dit son dernier mot…
Viens la mort, on va danser. Ici, la danse de mort est à l’écho de la vie. Elle se veut tour à tour onirique, rituelle, festive, endiablée, impatiente, vitale, grotesque, macabre, bruyante, colorée, etc. La mort y est le vecteur d’un imaginaire sans cesse renouvelé. Tout concourt à en dénier le tabou et à en transcender l’événement pour faire œuvre. Squelettes, crânes, masques, démons, cadavres, reliques, manèges, transes…, la mort n’est que passage, voire renaissance. « Personne ne sait encore si tout ne vit que pour mourir ou ne meurt que pour renaître », disait Marguerite Yourcenar.